Rêvassant dans le plus doux des univers, peuplé de magie et d’autres fantaisies dignes de son imagination, le grand lion songea que ce lieu était un paradis parfait. Peut-être devrait-il rester ici pour toujours ? Non…la réalité viendrait le sortir de ses rêveries tôt ou tard. Comme elle le faisait à chaque fois.

Appréciant une dernière accolade avec ses amis imaginaires, Nzige ouvrit un œil, obligeant son esprit enfantin à s’éveiller sur un nouveau jour, puis un deuxième. Son petit nuage implosa, brisant en un millier d’éclats les derniers souvenirs de son rêve. Une amnésie totale s’empara alors de son cerveau encore embrumé de sommeil.

Le félin s'étira de tout son long, se gratta l’oreille avant de bailler un bon coup. Le soleil venait de se lever. Nzige s’assit, profitant des dernières ombres fraîches. Il s’était assoupi sous un arbre tordu, non loin du repère. Cela dit, il n’avait aucune envie d’y retourner pour le moment. Il laissa son corps puissant retomber sur l’herbe comme un animal malade laisse choir sa carne avant de pousser son dernier soupir.

Il attendit quelque instant ainsi, couché parmi la rosée. Morphée revenait timidement le cueillir quand soudain, une douleur aussi atroce qu’incongrue sorti sa proie de sa torpeur.
Le grand lion bondi sur ses pattes en grognant de surprise.

- Oh !! Je vous demande pardon Sir !! Je ne vous avais pas vu, pardonnez ma maladresse !

Telle fut la repentance. Nzige se tourna vivement vers la source de cette dernière, découvrant ainsi, à une proximité presque alarmante, un autre lion à la crinière rousse.

- Mais enfin, fais attention ! Piailla Le mâle doré. Il fixa son interlocuteur. Son humeur grisée vira à une expression plus avenante et souriante quand la douleur perdit de son venin.

- Oups, désolé. Ma réaction était vive. Reprit-il, portant sa patte devant sa gueule, comme s'il venait de laisser échapper un secret.Cependant, je ne m’attendais pas spécialement à ce qu’on me tire de mon sommeil ainsi, c’est une manière bien exotique de briser la glace, ma foi. Veuillez pardonner mon emportement cher hum.... Il inspecta le nouveau venu, encore une fois. Plissant légèrement les paupières, comme pour mieux le distinguer. ...Mais en fait, qui êtes-vous ?

Le félin roux avait reculé. Il était assis calmement et patientait. Quand Nzige eut fini sa tirade, son regard, d’un bleu éclatant, s’emplit d’une chaleur bienveillante. Peu importe ses origines, cet inconnu avait vraiment de très beaux yeux, il fallait le reconnaître !

- Je me nomme Kosa. Commença-t-il, adressant à son interlocuteur une révérence princière. Alors ça, le lion doré ne s’y attendait pas du tout ! Un petit rire lui échappa, c’était bien la première fois qu’il recevait un tel geste de respect. Ce lion avait un côté gentleman qui fit mouche chez son congénère.

- Veuillez encore m'excuser pour ma maladresse. Et, pour répondre à votre question, je suis voyageur, même si pour le moment je fais une petite pause. Il redressa son corps avant de se racler la gorge. Le drôle de criquet, encore captivé par le regard de l’inconnu, fut tiré de ses pensées quand ce dernier termina sa phrase par une question : Et vous, Sir ? Quel est votre nom ?

- Oh. Je m’appelle Nzige ! Enchanté ! Et, hum, en ce qui concerne notre petite « altercation », c’est du passé. Voyez, j’ai déjà oublié ! Dit le Freelander en souriant.

Il étudia rapidement son allocutaire. Il était grand, musclé, semblait avoir reçu une éducation convenable. Autrement dit, il était persuadé que ce voyageur appartenait à une caste sociale de grande importance. Un roi peut-être ? Non…il était encore jeune pour ce titre. Peut-être un prince ? Mais alors, que lui était-il arrivé pour qu’il se retrouve à errer en pleine nature ? Bah, cela ne le concernait pas. Toutefois, cet individu piqua sa curiosité au vif. D’un vif coup de hanche, le lion doré se mit debout. Il était bel et bien réveillé, cette fois !

- Dites, si vous le voulez bien, je serais votre guide à travers le territoire. Cela nous fera une promenade des plus agréables. Qu’en dites-vous ? Oh, ne vous sentez pas obligé. C’est juste que…(Il commença à gratter le sol d'une patte, un sourire gêné aux babines) les journées sont longues, ici. Et c’est ennuyeux de se promener seul.

Jetant un regard par-dessus son épaule, Kosa observa les alentours avant de soupirer. Nzige patientait, attendant la réponse de patte ferme. Son homologue se tourna enfin vers lui, un large sourire aux babines.

- Oh ! Je suis ravi de faire votre connaissance Nzige ! Je serai ravi que vous me guidiez sur votre territoire. Cela me rappelle la fois où je me perdis dans les Montagnes Humides quand j'étais adolescent...Une chance que sa majesté, le Roi Haki passait par-là pour m'extirper de cet endroit, dans le cas contraire je crois que je serais mort...

Le rouquin esquissa une mine attristée. Une moue comique qui ne manqua pas d’amuser le lion doré. Qui plus est, venait-il de mentionner le roi ?! Cela attisa davantage la curiosité du Freelander, qui, à l’évocation de son nom avait laissé échapper un halètement de surprise.

- Ça alors ! Vous connaissez notre souverain ? Merveilleux !

Le félin jaune engagea l’excursion, adressant un léger signe de tête à son camarade pour l’inviter à le suivre. Il laissa s'écouler quelques secondes, le temps pour eux de se mettre en marche, avant d'engager la discutions. Les compères pouvaient sentir l’herbe encore fraîche sous leurs coussinets, alors qu’au-dessus de leurs têtes, le soleil montait, illuminant le pelage de chacun de somptueux reflets d’or.

- Alors, dites-moi ! Quelles circonstances vous ont menées à rencontrer son altesse ? Et surtout…d’où veniez-vous pour vous perdre dans ces montagnes ? Le Grand Esprit m'en soit témoin, c’est là le pire endroit où s’égarer !

Le flot de question fut tel que le grand béat dû tenir sa langue pour ne pas inonder Kosa.

Le lion au pelage de feu resta songeur. Visiblement, son périple parmi les montagnes était resté gravé dans sa mémoire.

- Eh bien, pendant mon adolescence j'avais décidé d'entreprendre un court voyage, et donc aller voir les autres royaumes les plus proches. Je suis alors passé du côté du cimetière des éléphants car un Outlander m'avait barré la route ne voulant pas que je passe, et pourtant je lui avais demandé gentiment !

Son ton agacé amusa Nzige. Oui, les lions d’Outland n’étaient pas réputés pour leur hospitalité. D’un autre côté, cela était compréhensible. Vivre sur une terre aussi désolée que la leur ne devait pas être chose aisée, et qui plus est, les conditions politiques actuelles régissant le clan n’étaient pas pour relaxer ses habitants…

- Enfin, passons ! Repris Kosa. Du coup, je suis passé de l'autre côté et je me suis perdu devant la beauté et la majestuosité de la montagne et je me suis perdu parce que je ne regardais pas où j'allais… J’ai crié à l'aide et quand l'écho m’est revenu c'était la voix de votre souverain, mais je ne le savais pas encore à ce moment-là. Il m'a aidé à en sortir grâce à sa voix que j'ai pu suivre ! Puis nous avons fait connaissance et nous baladant un peu.

Une nuée d’oiseaux s’envola à l’approche des félins. Le lion doré ne leur prêta pas attention, trop occupé qu’il était à écouter le récit de son acolyte. Une brise fraîche souleva sa crinière rousse, si bien qu’elle révéla les marques sur le visage de Kosa. Une particularité que le Freelander n’avait jamais vue auparavant et qui l’intrigua. Autrefois, alors qu’ils devisaient à l’ombre d’un arbre, le grand lion avait pensé qu’il s’agissait de simples tâches.

- Haki est un bon roi. Affirma Nzige en hochant la tête pour lui-même. C’est grâce à lui si les Terres Libres ont retrouvées leur sérénité. Bien sûr, depuis la mort de Sharkan, nous avons tous cohabité afin de rendre sa splendide à cet endroit. Il tourna la tête vers son compère. Je suis ravi que vous ayez pu faire la connaissance de notre dirigeant, cela-dit.

Doucement, le grand gaillard jeta une œillade à son compagnon de route. Il était plutôt musclé et la couleur de son pelage lui donnait un aspect imposant. Il toussota.

- Dites, pourquoi n’êtes-vous pas resté sur Freeland ? Vous auriez fait un très bon guerrier, j’en mettrais ma patte à couper !