Raksà ouvrit vivement les yeux, un sourire plutôt satisfait plaqué sur son visage. C’était l’heure ! Il faisait nuit noir, tout le monde ronflait comme de bon gros vieux lards et lui, il était prêt pour aller conquérir un territoire de plus. Et cette fois, il ne le ferait pas tout seul.

Se déplaçant délicatement sur la pointe de ses pattes, il ne manqua pas de s’arrêter devant sa jumelle. Cela faisait trop longtemps qu’il n’avait pas fait une grande escapade tous les deux et il était grand temps de remédier à ce problème. Il se pencha afin de réveiller sa sœur de plusieurs coups de museau. Lorsque celle-ci fut bien réveillée et prêt à entendre son frère, il déclara :

« Ça te dirait de partir à l’aventure ce soir ? »

Adolescent mais toujours aussi casse-cou et sa sœur n’était pas en reste non plus. Il ne doutait pas un seul instant de sa fidélité. Elle le suivrait de toute façon et aurait probablement était vexée de ne pas avoir été invité. Il aurait bien réveillé ses deux autres sœurs mais à quatre ils feraient bien trop de bruit. N’attendant pas spécialement une réponse il fit un rapide mouvement de tête pour l’inciter à la suivre.

Ils avaient une chance incroyable tous les deux, celle d’être nés sombres. La nuit n’avait aucun secret pour eux, c’était là qu’ils se sentaient le plus à l’aise – du moins pour Raksà c’était le cas et puisqu’il était si complémentaire avec sa sœur, ça devait être le cas pour elle aussi, non ? Ils avançaient rapidement, avec Raksà en tête, n’ayant pas dit un seul mot sur leur destination, juste ce sourire plaqué sur son visage et le regard déterminé.

« Tu vas voir, ça va être génial. »

Il ne dit rien pendant toute la suite du trajet – ils arrivèrent plutôt vite en réalité, Raksà était pressé. Il était passé devant plus d’une fois au détour de ses petites escapades et ne comprenait pas pourquoi l’endroit s’appeler ainsi. Ses connaissances Outlanders lui avaient révélés que des crocodiles dormaient dans ces eaux et cela n’avait eut pour effet que d’accentuer sa curiosité. Une fois en bordure d’eau, il dit :

« On est arrivé sœurette ! »

Il était enjoué, prêt à explorer chaque recoin de cet endroit. Rien ne semblait indiquer qu’un quelconque danger avec une bonne rangée de crocs sévissait ici. Raksà leva les yeux au ciel. A tous les coups c’était du folklore ou des rumeurs stupides pour faire peur aux animaux. Il donna un coup d’épaule à sa sœur, légèrement railleur :

« T’sais quoi ? A ce qui paraît, y’a de gros lézards qui vivent dans ces eaux ! » Il marqua une pause avant de très vite reprendre, excité par l’aventure « Alors t’en dis quoi ? On explore ? »

Spoiler:

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Raksà leva les yeux au ciel, un petit sourire en coin, sachant parfaitement que le bougonnement de sa sœur ne serait bientôt qu’un mauvais souvenir. Elle allait adorer cet endroit qui pue comme elle le disait si bien. Et cela ne manqua pas, l’adolescente consentit à trouver l’endroit intéressant et cela octroya une certaine fierté à Raksà.

« Alors frérot ? On a peur de se salir les pattes ? »

Raksà fronça les sourcils avant de suivre sa sœur d’un bon entrain. Il n’était pas le dernier des trouillards et il comptait bien le prouver tout au long de sa vie. Un air de défi peint sur le visage il s’élança à la suite de sa sœur, n’hésitant pas une seule seconde à secouer le tronc sur lequel ils étaient. Il sauta ensuite sur une pierre non loin de là, constant à quel point elle était glissante avec la végétation accumulée dessus.

« Je n’ai peur de rien. »

Il avait lâché ça de but en blanc, comme si c’était évident. Sa sœur avait beau le taquiner, dans un coin de sa tête il savait que ce n’était que de la provocation pure et dure et qu’elle n’en pensait pas un mot mais il ne put s’empêcher de dire :

« Je n’ai pas oublié qui nous étions. De valeureux guerriers de la Lande. »

Il se demandait si ses sœurs avait toujours cette intime conviction en elles ou si elles avaient oubliés. C’était un jeu d’enfant certes mais c’était aussi leur identité de l’époque et malgré tout ce qui s’était passé, Raksà s’y était attaché. Reprenant du poil de la bête, il se redressa, bien décidé à faire de cette soirée un moment absolument inoubliable. Une aventure !

« Bon, on est pas là pour pleurer. Tu crois qu’on pourrait chopper un crocodile ? »

Il se retourna, tentant de voir où ils pourraient se positionner pour tendre un piège à un reptile de seulement quelques mètres de long avec une gueule prête à vous déchirer la patte au moindre mouvement. Il se retourna vers sa sœur, malicieux :

« T’as une idée sœurette ? On doit bien être plus forts que de malheureux lézards quand même ! »

Il bomba le torse, persuadé de ce qu’il avançait et espérait qu’il en soit de même pour sa jumelle. Il n’en doutait pas en vérité et savait qu’elle le suivrait probablement jusqu’au bout du monde. Fier il annonça :

« Notre conquête du monde ne fait que commencer ! »

Cet endroit devait bien porter son nom pour une bonne raison. A la question de sa sœur, l’adolescent se contenta d’abord de hausser les épaules, laissant son regard traîner sur la rivière, essayant de déterminer une quelconque forme de vie là dessous. Mais la pénombre n’aidait pas et rendait l’eau bien plus sombre qu’elle ne l’était déjà. Même les rayons lunaires semblaient ne pas leur rendre service.

« J’ai entendus des lions en parler. Puis cet endroit est appelé la rivière aux Crocodiles, si c’est pour rien alors les Outlanders sont tous des poltrons. »

« Bon, je pense qu'il nous faut un appât. Je propose que tu t'y colles. »

« Pourquoi moi ?! »

Il était indigné que sa sœur le rabaisse au simple rang d’appât, au mieux ils auraient trouvé une bestiole qui aurait amplement fait l’affaire, mais non, il fallait que sa jumelle le désigne lui. Totalement outré, il se résigna tout de même, sachant que c’était son image qui était en jeu, sa fierté et sa dignité :

« Tss. Bon d’accord, mais c’est bien parce que je ne suis pas une mauviette. »

Il se déplaça sur un autre rocher afin de trouver un meilleur angle pour attirer ces bestioles et surtout un endroit assez proche de la terre qui pourrait lui offrir une potentielle issue. En tant que guerrier il se devait d’être stratège et envisager toutes les possibilités, autant dire que ressortir avec une patte en moins n’était pas dans ses objectifs.

Dans son mouvement, l’une de ses pattes arrière glissa dans l’eau mais la différence de température lui fit un effet tellement immédiat qu’il réussit à la retirer immédiatement. Il grimaça cependant, ne pouvant s’empêcher de lancer une remarque :

« Cette eau est vraiment dégueulasse, je demande comment font les Outlanders. »

Une fois bien positionné et prêt à se mettre en scène pour que les crocodiles se jettent dans le piège qu’ils avaient préparé, Raksà percuta qu’il était le seul à bouger. Fronçant les sourcils il redressa le regard vers sa sœur avant de demander :

« Tu comptes faire quoi toi ? »

Avant même qu’elle n’ait pu répondre, le cerveau de Raksà se mit à lui imaginer un rôle et il lança :

« Je sais ! Tu pourrais te mettre juste en face de moi, sur l’autre rocher. Comme ça dès que ce sale lézard arrive, tu lui sautes dessus. »

Ingénieux ! Aucune chance ni pour l’un ni pour l’autre de se faire mordre. Le crocodile ne verrait que Raksà tandis qu’il se ferait prendre par surprise par sa sœur. Il attendit que sa sœur suive ses consignes et s’attela à attirer l’attention du lézard en attendant :

« Tiens toi prête. »

Il s’allongea presque sur la roche glissant et laissa une de ses pattes entrer dans l’eau, faisant des mouvements difformes de droite à gauche, d’avant en arrière. Le clapotis de l’eau s’intensifiait à chaque mouvement de Raksà, provoquant quelques petites vagues autour de sa patte.

Autant dire que l’adolescent ne s’était pas attendu à ce que tout se déroule aussi vite. Il n’eût même pas le temps de prendre peur que l’adrénaline prit totalement le dessus. Il vit sa sœur se jeter maladroitement sur les mâchoires de la bête et tandis qu’elle regagna la berge, le mâle ne se fit pas prier pour une leçon de rodéo.

Avant même que le reptile ait pu refermer la gueule sur sa sœur, Raksà l’agrippa avec toute ses forces, refermant ses pattes autour de sa bouche pour l’éviter de l’ouvrir davantage. L’écailleux ne se fit pas prier pour commencer à gigoter dans tous les sens et contre toute attente le lion brun réussit à tenir le coup. Il lâcha sans la moindre précaution :

« Qu’est ce que tu attends pour remonter et te tenir prête à m’attraper ? »

Le plan avait échoué – enfin pas totalement, ils avaient réussi à prouver que des crocodiles vivaient dans cette rivière. Alors qu’il s’apprêtait à lâcher prise pour bondir aux côtés de sa sœur et espérer qu’elle le tire, le crocodile l’envoya par le fond.

N’ayant pas eu le temps de prendre sa respiration, l’eau pénétra directement dans les poumons de Raksà si bien que lorsque la créature réapparu à la surface, il toussa comme un forcené. Mais le crocodile ne se calma pas pour autant puis que Raksà tenait toujours on ne sait par quel miracle. Il lui fit boire la tasse deux fois de plus avant qu’il se décide à lâcher prise.

En vérité il ne réussit pas à regagner la berge tout seul et il aurait presque fallut remercier le reptile pour cette généreuse attention. Il l’avait violemment balayé d’un coup de coup en pleine figure si bien qu’il fut sonné pendant une minute ou deux.

« Oh la vache. »

Sa joue était toute éraflée par le frottement des écailles contre sa peau et un peu de sang venait tâcher sa belle gueule. Mais ce qui était le plus frappant, sans mauvais jeux de mots, c’était que la terre ne tournait pas dans le bon sens. Enfin disons que ça tanguait de tous les côtés et l’envie de vomir lui prit aux tripes.

« Sahàsi, où… Où est-c’que t’es ? »

Il ne distinguait que très mal sa sœur et il tenta de se relever pour la rejoindre bien que ses mouvements furent saccadés et qu’il manqua de se retrouver le museau dans la boue plus d’une fois. D’ailleurs son flanc droit en était recouvert.

« Il faut qu’on se tire d’ici & vite. »

Nul doute que le reptile ne laisserait pas tomber aussi facilement et même si c’était le cas, le raffut provoqué par toute cette pagaille pourrait attirer quelqu’un qui ne serait pas très heureux de leur présence sur Outland.